Entrevue avec Véronique Rivest
Dans le cadre de notre série d'entrevues spéciales avec des femmes inspirantes du vin et de la gastronomie au Québec, on s’intéresse à des personnalités souvent bien connues du milieu de la sommellerie et de la restauration, mais qui méritent aussi de briller aux yeux du grand public! Pour cette première entrevue, on a la chance de vous présenter la grande Véronique Rivest!
-Parle-nous de toi. Pour ceux et celles qui ne te connaissent pas, qui es-tu et que fais-tu?
Véronique Rivest, sommelière. Je bois du vin et j'en parle. :-) Sommelière, proprio d'un resto bar à vin (Soif bar à vin), formatrice, animatrice, conférencière, chroniqueuse.
-Quel est ton parcours? Peux-tu nous raconter ce qui t’as mené à la sommellerie, au vin et à ton travail aujourd’hui?
Pas du tout un parcours planifié! Une série de jobs, de rencontres m'y ont mené. Premier job en restauration à l'âge de 16 ans. Je suis vite tombé en amour avec le milieu de la restauration et du service. Mais je n'avais aucune idée de ce que je voulais comme carrière. J'ai poursuivi des études, tout en cherchant ce que je voulais faire. Un Bac en langues et littératures étrangères, un MBA en commerce international. Toujours en ne sachant pas vers quoi me diriger. Mais j'ai continué à travailler en restauration tout ce temps-là. Et un séjour d'un an d'étude en Alsace s'est transformé en séjour de 7 ans J'ai trouvé un job avec un vignoble et là j'ai commencé à vraiment envisager le vin comme carrière. Plein de rencontres et d'expériences enrichissantes. Et j'ai toujours adoré manger et boire! C'est aussi parce que je suis extrêmement curieuse et que j'adore apprendre et découvrir. Le vin me permet de toucher à plein de sujets (géologie, agronomie, chimie, histoire, géographie, etc...) et à continuellement apprendre. C'est cet amour de l'apprentissage qui m'a poussé vers les concours, l'enseignement et la formation.
-À travers tes années d’expérience, dirais-tu que la clientèle québécoise a évolué dans ses habitudes de consommation de vin et de gastronomie?
Bien sûr! La consommation de vins chez les Québécois.es n'a cessé d'augmenter. On a de la chance, c'est le contraire dans de nombreux pays du Vieux Monde. La clientèle au Québec boit de plus en plus de vin, monte en gamme et surtout, elle est très curieuse et ouverte sur le monde.
-On vit un engouement pour les vins naturels au Québec. As-tu le même sentiment et selon toi, d'où vient cet engouement?
Tout comme on s'est intéressé de plus en plus à ce qu'on mange. Le vin a d'ailleurs un peu traîné de la patte par rapport à l'alimentation. Comme si le consommateur avait cette idée romantique, fausse, du vin, comme étant uniquement du jus de raisin fermenté. Je dis souvent, pour bien leur faire comprendre, qu'il peut y avoir autant de manipulations et d'additifs dans le vin que dans la nourriture. Que la différence entre un vin naturel et un vin industriel est comme celle entre un fromage artisanal au lait cru et des tranches de fromage Kraft! Les consommateurs commencent à en être plus conscients et s'intéressent donc aux vins cultivés et élaborés de façon plus naturelle. Ça va bien sûr de pair avec une plus grande conscience environnementale. En ce qui me concerne, c'est en effet devenu aussi très important et je privilégie toujours des vins élaborés le plus naturellement possible. Chez Soif, l'accent est aussi sur les vins nature. Ou du moins, ce que j'appelle des vins vrais, qui sont le reflet d'un lieu, ceux qui nous transportent et nous allument :-)
-Les défis qui viennent avec la crise actuelle sont nombreux. Comment vis-tu ça au quotidien?
Ce n'est vraiment pas facile... Mais de telles situations peuvent aussi être le moteur de changements positifs! C'est une occasion rare de vraiment tout remettre en question, de penser et d'agir différemment, on espère pour le mieux... Chez Soif, on n'a pas cessé de se réinventer, de développer de nouveaux services, pour tenter de survivre. Les plats pour emporter, l'activité caviste, les ateliers de dégustation en ligne, les collaborations avec d'autres restos et des commerçants. Bref, on travaille trois fois plus, pour des marges beaucoup plus minces, mais au moins on survit. Et on développe tout plein de nouvelles expertises! Même si ça peut devenir très étourdissant.
-Parviens-tu à exercer la sommellerie en ce moment?
Oui, on continue vraiment à faire de la sommellerie, mais différemment, à travers notre activité caviste, les suggestions d'accords avec menus, les événements en ligne, etc. J'ai eu la chance de pouvoir ré-embaucher une bonne partie de mon équipe, et de les garder occupés et motivés. S'occuper de notre famille, que ce soit à la maison ou au travail, et de notre communauté est vraiment le plus important en ce moment.
-Penses-tu que le visage de la restauration sera changé après tout ça?
Sûrement. Mais comme tout de cette crise, ce n'est vraiment pas facile à prédire. L'incertitude est notre nouvelle certitude. Et ce n'est pas une mauvaise chose d'être toujours prêt à tout, même si c'est éreintant. J'espère qu'on saura profiter de l'occasion pour changer pour le mieux. Les salaires et les conditions de travail dans l'industrie ont besoin d'être améliorés. Les consommateurs doivent être prêts à payer pour ce qu'ils veulent. Et les restaurateurs doivent pouvoir dégager des marges de profit suffisantes pour pouvoir opérer de façon responsable. Tout ce que ça prendrait c'est un prix de gros sur nos achats d'alcool. Comme dans n'importe quelle chaine de distribution! Si cette crise pouvait finalement mener à une révision de nos lois sur l'alcool, ce serait déjà énorme pour notre industrie.
-Dans ton travail relié à la sommellerie, comment décrirais-tu ta relation avec les agences d’importation privée?
Excellente! Comme nos relations avec tous nos fournisseurs :-) La vie est trop courte pour boire du mauvais vin? Elle est aussi trop courte pour travailler avec des gens qu'on n'apprécie pas. On ne cherche pas seulement des fournisseurs, mais des partenaires. Des gens qui partagent nos valeurs et avec qui on peut s'entraider.
-On se fait régulièrement demander des conseils pour des accords mets & vins. En tant que professionnelle, as-tu des trucs à partager? Peut-être quelques grandes lignes de base pour des accords réussis?
Ha! Un peu une obsession! Pas les accords en tant que tels, mais l'étude des mécanismes du goût. C'est tellement complexe! Et tellement fascinant, surtout qu'on commence à peine à comprendre. Et il y a tellement de niveaux aux accords, qui vont du très simple aux très complexes. Le très simple étant : mangez ce que vous aimez, buvez ce qui vous plait, et en bonne compagnie. Ça fait habituellement de pas mal bons accords. :-) Et le plus complexe est beaucoup trop complexe pour expliquer en quelques lignes. Mais très peu de choses sont universelles en ce qui a trait au goût. Alors, gardez un esprit ouvert, amusez-vous et explorez!
La parole est à toi. Est-ce qu'il y a un sujet qui te tient à coeur? As-tu des réflexions, des rêves ou des frustrations que tu voudrais partager?
Je rêve d'une industrie de la restauration où tous ses acteurs pourraient bien gagner leur vie, évoluer et s'épanouir. Et je veux des prix de gros sur l'achat d'alcool pour les restos!!
COUPS DE COEUR
-Peux-tu nous partager un coup de cœur pour un domaine ou un.e vigneron.ne du Vin dans les Voiles et nous dire pourquoi?
Il y en a trop!
J'adore l'histoire de TUNIA, et j'ai aimé tout ce que j'ai gouté de chez elles.
Les frères LEDOGAR sont hyper sympathiques et tous leurs vins sont délicieux.
J'ai toujours un faible pour l'Alsace et les vins de chez GESCHICKT en expriment toute l'énergie.
Et bien sûr les vins du projet CHËPIKA parce que le travail que font Pascaline Lepeltier et Nathan Kendall (dont les vins sont délicieux aussi!) avec des cépages américains est remarquable.
Et parmi les vins en stock, peux-tu en nommer 3 qui te font vibrer et nous dire pourquoi?
RIESLING, DOMAINE GESCHICKT
« C'est pur et plein d'énergie, avec de la texture et de l'éclat »
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LA MARIOLE 2019, DOMAINE LEDOGAR
« Toute la magie des vieux carignans du Languedoc! Parfumé et plein de fruits, avec de la matière, mais aussi hyper frais et juteux »
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.CHIANTI SUPERIORE 2018, OTTOMANI
« Du vrai bon sangiovese. Sans chichis, savoureux et fait pour la table »
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Merci infiniment, Véronique, de t'être livrée à nous comme ça! On a vraiment hâte de pouvoir à nouveau venir s'asseoir dans ton restaurant et profiter d'un bon moment en ta compagnie.
Que tes mots fassent échos et donnent force et vie au milieu de la restauration.