Entrevue avec Elisabeth Cardin
Dans le cadre de notre série d'entrevues spéciales avec des femmes inspirantes du vin et de la gastronomie au Québec, on s’intéresse à des personnalités souvent bien connues du milieu de la sommellerie et de la restauration, mais qui méritent aussi de briller aux yeux du grand public!
Pour cette troisième édition, nous sommes fiers de vous présenter la multi-talentueuse Elisabeth Cardin!
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DÉCOUVRIR SES VINS COUPS DE COEUR
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-Parle-nous de toi. Pour ceux et celles qui ne te connaissent pas, qui es-tu et que fais-tu?
Je m'appelle Elisabeth Cardin, je suis co-propriétaire du restaurant Manitoba à Montréal. Aussi, récemment, j'ai écrit deux livres! Ma passion est la relation qu'entretient l'humain avec son territoire nourricier. Donc, au resto, comme dans les bouquins, c'est de ça dont je parle (tout le temps - c'est plus fort que moi!). Je chasse, je cueille, je pêche et je rêve d'autonomie alimentaire.
-Quel est ton parcours? Peux-tu nous raconter ce qui t’as mené à la restauration, au vin et à ton travail aujourd’hui?
J'ai étudié l'horticulture et l'écologie et j'ai commencé à cueillir des plantes sauvages comestibles dans les forêts et les champs. J'ai voulu partager mes connaissances et j'ai créé le Manitoba dans cette optique-là. Au début, je ne connaissais rien à la restauration, encore moins à la sommellerie, mais je savais que le vin qu'on servirait au resto serait issu d'agriculture écologique et de vinification naturelle. Je me suis lancé là-dedans tête première (et naïvement) en devenant l'acheteuse de vin du resto, les trois premières années. J'ai appris BEAUCOUP (merci aux agents d'importation - particulièrement à Valériane du VDLV - qui m'ont tout montré). Maintenant, j'ai laissé la place à des gens plus qualifiés que moi, mais je continue à faire les dégustations, pour le fun!
-À travers tes années d’expérience, dirais-tu que la clientèle québécoise a évolué dans ses habitudes de consommation de vin et de gastronomie?
Vraiment. La curiosité par rapport à l'éthique de production des aliments s'est développée. Les gens qui fréquentent des établissements gastronomiques veulent savoir d'où ça vient et si ça a été fait en harmonie avec la nature. Le vin n'y échappe pas! La culture artisane prend de plus en plus de place, parce qu'on se rend compte que l'alimentation industrielle cause de gros problèmes (environnementaux et sociaux) sur le long terme.
- On vit un engouement pour les vins naturels au Québec. As-tu le même sentiment et selon toi, d'où vient cet engouement?
Oui, on en voit de plus en plus dans les SAQ, même en région. Je pense que c'est dû à la promotion qu'en font les agents d'importation et les restaurateurs. C'est tant mieux! C'est l'avenir du vin. Des produits sains pour la santé (si on n'en abuse pas) des humains et des écosystèmes.
-Les défis qui viennent avec la crise actuelle sont nombreux. Comment vis-tu ça au quotidien?
C'est vraiment difficile. Nous, on organise des événements virtuels. On a repris le concours d'accords mets et vins (Les Wine Pairing Battles) que l'on fait depuis 6 ans déjà. On laisse donc la place aux agences d'importation, on cuisine et on boit avec les clients (via zoom). On fait aussi des ateliers culinaires avec des artisans fermiers et d'autres chefs, par exemple. Toujours avec une belle bouteille en accord. Ça nous permet de garder la flamme allumée, pour réouvrir en feu!
-Penses-tu que le visage de la restauration sera changé après tout ça?
Je pense que les gens vont moins prendre le travail des restaurateurs pour acquis. Ils voient bien qu'on suffoque et que leur support est justifié et nécessaire. Dans mon cas, et celui de mon resto, c'est positif, parce qu'on fait la promotion de l'autonomie alimentaire et de la consommation extra locale. Ça aussi, c'est devenu une réalité importante pour les Québécois. Je garde espoir que ce sera les années folles, comme dans les années 30. Mais des années folles qui donnent envie de célébrer nos richesses (les vraies: la nature et les artisans qui la mettent en valeur).
-Dans ton travail relié à la sommellerie, comment décrirais-tu ta relation avec les agences d’importation privée?
Honnêtement, ils sont des amis précieux. Des alliés pour la réussite. Des sauveurs. Des défricheurs. Je les aime d'amour.
-On se fait régulièrement demander des conseils pour des accords mets & vins. En tant que professionnelle, as-tu des trucs à partager? Peut-être quelques grandes lignes de base pour des accords réussis?
Comme je suis passionnée de territoire, j'aime les accords qui appellent à la cohérence géographique. Par exemple, quand on sert un plat salin, maritime, on peut penser à des vins qui ont été élevés près de la mer, sur des sols remplis de coquillages. Un plat fumé avec des vins de l'Etna. Un plat de viande nordique avec des vins de milieux froids, comme l'Autriche. C'est mon truc et ça marche plus souvent qu'autrement, mais je ne suis pas sommelière!
La parole est à toi. Est-ce qu'il y a un sujet qui te tient à coeur? As-tu des réflexions, des rêves ou des frustrations que tu voudrais partager?
Je vais faire de l'auto-promotion ici, mais je vous conseille le livre L'Érable et la Perdrix, l'histoire culinaire du Québec à travers ses aliments, que j'ai coécrit avec Michel Lambert. Ça parle de l'histoire de la rencontre entre la culture et la nature sur notre territoire, à travers la bouffe, depuis 12 000 ans. Autopromotion #2: gardez les yeux ouverts pour mon 2e livre, un essai à paraître fin mai chez Atelier 10, comme un manifeste pour une révolution personnelle et sociale à travers l'alimentation. Ça s'appelle "Le temps des récoltes - Cultiver le territoire." C'est tout!
COUPS DE COEUR
-Peux-tu nous partager un coup de cœur pour un domaine ou un.e vigneron.ne du Vin dans les Voiles et nous dire pourquoi?
CLÉMENCE LELARGE! Parce que son champagne est aussi pétillant qu'elle! :)
Et parmi les vins en stock, peux-tu en nommer 3 qui te font vibrer et nous dire pourquoi?
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MADEIRA COLLECTION, No 2 - RESERVE DRY
« Parce j'aime les traditions et cette gang là arrivent à présenter un produit qui répond à nos valeurs plus modernes tout en préservant les techniques ancestrales propres à la région. Et parce que j’aime les vins doux pas trop sucrés et légèrement oxydatifs qui donnent envie de continuer à manger des fromages... j’aime pas le dessert! :) »
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PATATRAVA 2019, KTIMA LIGAS
« Parce que je suis balance et que je ne sais jamais faire un choix entre un blanc et un rosé. C'est le parfait équilibre entre les deux. »
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À BOUCHE QUE VEUX-TU 2019, DOMAINE LES TERRE PROMISES
« C'est vraiment un bon nom pour ce vin qui a la principale qualité de faire saliver et d'en vouloir encore et encore, comme des baisers! »
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Un énorme merci Elisabeth de prendre ce temps avec nous. Une défricheuse inspirante à la belle sensibilité et aux multiples talents comme toi, on en veut plus! Vivement le retour des soirées animées et vibrantes au Manitoba, ça nous manque. Santé!