Carnet de vigne : Les vignes d'Olivier

Carnet de vigne : Les vignes d'Olivier

28 au 31 Janvier 2025

Olivier Cohen à Argelliers, Hérault (Languedoc, France)

La terre est un projet à part entière pour Olivier Cohen. Un chantier vivant, complexe, fragile, qu’on accompagne patiemment, sans prétendre la dompter.

Le projet d'une vie

J’arrive au cœur de ses 9 hectares, dont 6,5 en production. Pas question pour lui de courir après les superficies. « J’ai déjà assez à faire avec les manquants », sourit-il. Son regard se perd un instant sur les rangs de vignes et les jeunes plantiers. Chaque parcelle raconte une partie de l’histoire, celle qu’il façonne depuis dix ans, à force d’observation, d’essais et, souvent, de remises en question.

Le domaine ne ressemble pas à ces grandes propriétés familiales héritées de génération en génération. Ici, tout a été construit à la sueur du front, grâce au négoce. « Pas de honte à ça », me confie-t-il. Le négoce, c’est payer les pergolas, les clôtures, les moutons, les semoirs. C’est aussi s’ouvrir à d’autres cépages, apprendre ailleurs pour mieux faire ici.

Dans le chai, rien n’est figé. « Tout est expérimental », plaisante Olivier. Presse directe pour les blancs et rosés, grappes entières et macérations légères pour les rouges. Il cherche, ajuste et observe. Pas question de tomber dans le piège des vins « chiants », normalisés. Il veut des cuvées vivantes, fidèles au lieu et à la saison, mais sans perdre les buveurs en route. L’équilibre est subtil. À la dégustation, on compare les différents millésimes sur les mêmes cuvées , en notant ici le caractère sapide de Lever les voiles, ou encore la trame constante des fruits juteux et fines épices de Ronds Rouges.

S’il fallait résumer le domaine en une bouteille, ce serait Champs Traversiers. Les plus vieilles vignes, les sols les plus équilibrés, là où le vivant s’est le mieux réinstallé. Son cépage préféré, le cinsault, y trouve son écrin.

L'agriculture regénénatrice : conjuguer vision, idéal et réalité

Ici, plus de labour depuis longtemps : la vie reprend ses droits sous la couche unique d’herbes et de matière organique. Trop de pluie ? Le sol absorbe. Pas assez ? L’herbe fane et protège. Plus besoin de tout bouleverser à chaque saison, on pense en années, en décennies.

Son rêve prend forme à 150 cm du sol. Les vignes hautes, les moutons en dessous, les semis indigènes, peu de mécanique… Une agriculture régénératrice, patiente, pensée sur le long terme.

Certains collègues le trouvent utopiste. Lui sait que la transition est rude, mais il assume. Plutôt perdre en rendement maintenant que sacrifier les sols pour demain.

Le sud se réchauffe, les anciens cépages qu’on disait dépassés, comme l’aramon ou le terret, retrouvent leur place. Même les outils suivent l’évolution : en collaboration avec l'association nationale Atelier Paysan, Olivier construit ses machines, adaptées, libres, pensées pour respecter la terre.

Il y a encore des embûches : les sangliers, le mildiou, la trésorerie, toujours. Mais il avance, convaincu qu’on peut faire différemment. Ni contre les autres, ni dans l’opposition stérile, mais en cherchant, partout, des complémentarités. Dans les sols, dans les cépages, dans les idées.

Ici, la vigne est un apprentissage permanent. Et le vin, le reflet sincère de ce chemin.

Samedi, 1er février, nous prenons la route ensemble, Olivier, son associé Jean et moi. Direction Saumur, en Loire, pour le salon de vin libre La Dive Bouteille. Deux journées à goûter, cracher, noter, se questionner, rencontrer et vibrer. Comme un point d'exclamation après toutes ces semaines passées à partager le quotidien des vignerons.

Je garderai en souvenir, entre autres (et pas que), la passion, la force et le dévouement sans mot des artisans de la terre qui la défendent pour les prochaines générations. Un vrai travail humaniste.