Intolérance au vin rouge?

Intolérance au vin rouge?

De plus en plus de consommateurs de vin délaissent le vin rouge pour se tourner vers vins blancs et rosés. Ce n’est pas seulement au Québec, mais une tendance mondiale. Le vin rouge et à priori les vins rouges corsés et tanniques ont toujours leur place au panthéon des grands vins, mais ils ont définitivement moins la cote auprès des consommateurs à la recherche de fraîcheur et de digestibilité dans le vin. Et au-delà des tendances de consommation, plusieurs délaissent le rouge pour une autre raison : ça passe moins bien! Réactions allergiques? Intolérance? On se questionne sur ce phénomène et deux vignerons nous partagent leurs points de vue. 

« Je ne bois plus de vin rouge » 

Nombreux amateurs de vin réagissent mal à la consommation de vin rouge : mal de tête, mal de ventre, rougeurs au visage et au cou, palpitations… Des symptômes qui peuvent faire penser à une intolérance et même à une réaction allergique. Et c’est là que survient fréquemment cette phrase : « Je ne bois plus de vin rouge, je suis allergique aux sulfites! » Détrompez-vous, il y a moins de sulfites dans un vin rouge que dans un blanc, et oui! Attention, je parle ici de sulfites ajoutés ; à fortes doses et dans plusieurs étapes de l’élaboration d’un vin conventionnel et à très faibles mesures dans un vin naturel si ajout il y a. Les sulfites naturellement présents dans le vin, c’est un tout autre sujet. ;) Donc, qu’est-ce qui fait que boire un verre de rouge, ça passe mal pour certains? « Je bois du blanc et du rosé et ça va. Je prends un verre de rouge et me voilà avec des symptômes d'intolérance et de réactions allergiques. »

Parmi les suspects : les tanins!

Études et recherches sur le sujet pointent, en partie, en direction des composés naturels des tanins présents dans le vin rouge. Dans le vin, les tanins sont ressentis en bouche par cette sensation d’assèchement, d’astringence, de dureté, d’amertume. La meilleure façon d’expérimenter et de comprendre les tanins? Mordez dans la rafle d’une grappe de raisins. Vous allez immédiatement ressentir vos gencives qui s’assèchent et se rétractent. C’est normal, les tanins provoquent cet effet en bouche. La bouche perçoit un élément qui s’annonce difficile à digérer et envoie donc un signal d’alarme et appel à la protection avec une réaction d’assèchement. L’effet contraire, la salivation, active l'accueil d’un aliment ou d’un liquide qui ouvre l’appétit. Les tanins sont des polyphénols naturels, un composé chimique naturel présent  dans les plantes, les graines, l'écorce, le bois, les feuilles et la peau des fruits. Dans le raisin, il est particulièrement présent dans la rafle, la peau et le pépin. Et dans les tanins, les recherches soulignent deux molécules, deux composés naturels qui semblent pouvoir déclencher des inconforts chez certaines personnes. 

Premièrement, Il y a l’histamine. On pense tout de suite à antihistaminique : contrôler et réduire les effets d’une réaction allergique. Notre système peut libérer de l’histamine lors d’une réaction allergique, ce qui déclenche des réactions inflammatoires et autres symptômes. On retrouve de l’histamine naturellement présente dans certains aliments dont le vin rouge. Et à croire que l’histamine aime intimider les épicuriens, on en retrouve également dans les fromages affinés ou le chocolat, entre autres. Deuxièmement, on retrouve également dans les tanins, des flavonoÏdes phénoliques. Ce sont des molécules naturelles appartenant à la famille des polyphénols. Elles se trouvent dans différentes parties de la plante : les fruits, les fleurs et les feuilles et on les connaît surtout pour leurs rôles d’antioxydants dans l’alimentation. Les aliments contenant des flavonoïdes les plus facilement reconnaissables sont ceux de couleur rouge-violet foncé : les baies, le cacao et le vin… rouge! Dans le raisin, ils sont principalement présents sur la peau et sont beaucoup plus importants sur les cépages noirs et de façon plus significative sur des cépages noirs à la peau épaisse et en terroir exposé plein sud. On dit que les flavonoïdes phénoliques pourraient causer des maux de tête moins de 30 minutes à 3 heures après avoir bu du vin rouge.

Bon. Ce sont des pistes de recherches. L’idée n’est pas de diaboliser le vin rouge, pas du tout! C’est un questionnement intéressant afin de comprendre ce que vivent plusieurs amateurs de vin.

Au-delà de l'intolérance...

« Concernant ton questionnement par rapport au vin rouge, je ne sais trop quoi répondre, instinctivement, si ce n'est que la population s'affaiblit peu à peu en consommant de plus en plus de nourriture industrielle et ainsi émet de plus en plus d'intolérances et développe de plus en plus d'allergies. Par contre, je ne pense vraiment pas que ce soit dû aux tanins qui sont au contraire bons pour la santé. »   Xavier Ledogar, vigneron en Corbières, sud de la France - Domaine Ledogar

En discutant avec différents vignerons travaillant de façon naturelle, la réflexion va au-delà des composés naturels des tanins et au-delà de la simple intolérance au vin rouge. De plus en plus rares sont ceux qui n’ont pas d'intolérances alimentaires ou d’allergies, non? Produits laitiers, gluten, noix, oeufs, fruits de mer, etc… Les maladies inflammatoires chroniques n’ont jamais été aussi présentes. C’est peut-être là que se posent les vraies questions? Mode de vie sédentaire, consommation d’aliments transformés, médication en réponse à tout. Et on ne parle pas du mode de vie d'individus spécifiques, mais bien de la société en général. Jusqu'où pousser la productivité et la transformation pour aller vite et que ce soit facile? On pense à l’alimentation, qui est à la base de tout, mais on peut facilement tisser des liens avec la vie au travail et le rythme effréné de la performance. La rupture des contacts sociaux et d’expériences réelles vis-à-vis les relations et expériences vécues au travers les écrans. Et oui, voilà ce que fait le vin. On se questionne sur la consommation de vin rouge et on ne peut faire autrement que de philosopher et de réfléchir encore plus loin à l’essence des choses. Répondre par « je suis allergique aux tanins » ? Oui. Peut-être. Un comprimé à avaler avant un verre de rouge serait-il la solution? Ce serait trop facile, non? Et on ne ferait que balayer le problème sous le tapis. 

« Ton questionnement n'a pas de réponse simple. Ce que tu décris s’inscrit dans un grand changement de comportement des consommateurs, qui est également lié au changement générationnel et à un changement de mode de vie et d’habitudes alimentaires.

De plus en plus de personnes consomment des aliments ultra-transformés. De plus en plus de personnes sont dépendantes au sucre. De nouveaux médicaments chimiques sont consommés et plus de médicaments sont consommés. Tout ça modifie le PH dans l’estomac et modifie la capacité du corps à accepter et à assimiler certaines substances.

Nous sommes ce que nous mangeons, buvons et pensons.

Le vin est un aliment, ce n'est pas simplement une boisson comme le Coca Cola ou le Martini. Ça peut paraître absurde aux personnes dont l’idée d’apprécier le vin consiste à boire un peu de rouge dans un bar pendant que leurs amis sirotent des cocktails ou de la bière. Cela n’aura aucun sens pour ceux pour qui un verre de vin n’est que la récompense au retour à la maison après une dure journée de travail, tout comme d’autres peuvent déguster un scotch sur glace ou un martini.

Boire, par exemple, un vin rouge qui possède des tanins nécessite un certain réglage, mentalement mais aussi physiquement. On doit littéralement ajuster son estomac et son esprit. Mais nous ne pouvons pas poser ces questions à nos clients : Prends-tu des antidépresseurs? Quels médicaments prends-tu? As-tu pris un repas sérieux aujourd'hui ou 3 cafés et une pizza en restauration rapide?

Oui. On peut résumer le problème à une certaine intolérance spécifique, mais ça ne donne pas une réponse complète. »  Jàn Zaborsky, vigneron dans la région de Nitra en Slovaquie - Pivnica Brhlovce