Capsule vigneron : les vins biodynamiques de La Péquélette

Capsule vigneron : les vins biodynamiques de La Péquélette

En octobre dernier, je me suis arrêté deux jours à La Péquélette, à Vinsobres dans le nord de la vallée du Rhône, chez le vigneron Cédric Guillaume Corbin. Ici, on a l’impression que le temps s’est arrêté et qu’on peut réellement prendre le temps de se déposer et de se ressourcer. La richesse et la diversité de la nature environnante sont impressionnantes. Ça vit, ça grouille, ça fleurit, ça sent bon… Avec la passion contagieuse du vigneron qui se considère paysan avant tout et l’amour qu’il voue à sa terre et à la biodiversité, j’ai dangereusement envie de m’installer chez lui pour tout apprendre, loin des écrans et les deux pieds bien ancrés dans le sol.

Paysan avant vigneron 

La Péquélette est le domaine familial des Corbin. Les raisins sont cultivés et envoyés à la cave Coop, c’est la tradition. Le grand-père, Émile, le faisait. Le père, Claude, le faisait. Les voisins le font tous. Cédric aussi le fait, quand il est en âge de prendre des responsabilités. Cependant, Cédric réalise rapidement que le volume industriel, ce n’est pas son truc. Pas du tout en fait. Il quitte même le domaine familial pour suivre l’amour qui le conduit en banlieue parisienne. Il lui aura fallu prendre les distances de la famille et de la vigne pour avoir envie d’y revenir. C’est à la période des vendanges, un an plus tard, qu’il revient à la maison donner un coup de main. Il ne quittera plus jamais la terre. Le déclic s’opère en lui et il s’engage entièrement au domaine qui depuis porte l’empreinte de sa personnalité.

Fini la cave Coop. En prenant le relais familial, il décide de ne pas renouveler l’entente avec la cave Coop à la fin du mandat. Ça fait jaser au village. De plus, il diminue de plus de la moitié la superficie de vignes plantées en passant d’une vingtaine d’hectares à huit. À ne faire que du raisin, il devient fou. Sa passion des arbres prend une belle place parmi les vignes : grenadiers, abricotiers, cerisiers, amandiers et de nombreux oliviers! Avec ça, production de jus de grenade, de confitures incroyablement délicieuses et commercialisation d’huile d’olive. Aujourd’hui, il y a 345 pieds d’oliviers et il aimerait en planter d’autres. Il n’est pas vigneron, pas arboriculteur, pas maraîcher, ni éleveur, il se considère un paysan dans le vrai sens du terme.

Les vins nature de La Péquélette

Le domaine se divise en deux terres. Une large portion se situe autour de la ferme et de la demeure familiale, anciennement la maison paternelle, qui surplombe la magnifique vallée du Rhône. À 10 minutes de là, au bout d’une route qui serpente, qui grimpe et qui traverse le petit village de Vinsobres pour arriver aux terres cachées qui appartenaient au grand-père Émile. Magnifique paradis isolé. De là, une vue magnifique sur les plateaux adjacents, sur les collines Alpiennes et rhodaniennes. On y retrouve de vieilles vignes de grenache et de syrah enracinées bien profondément telles les ancêtres de ce décor magnifique. Juste à côté, de nouvelles parcelles en développement, jeunes vignes de grenache pour la cuvée Carton rouge et beaucoup de cépages blancs : roussanne, bourboulenc, clairette blanche et clairette grise.  

Oh oui, le vin blanc a également la cote dans le Rhône. Dans les hauteurs de Vinsobres, le climat y est propice particulièrement sur les parcelles plein nord. Une demande est d’ailleurs déjà déposée auprès du conseil d’appellation afin de reconnaître l’appellation Vinsobres également sur les vins blancs. Avec Cédric, on pense au cépage bourboulenc pour une acidité qui craque, au grenache blanc pour les arômes gourmands et à la clairette pour la fraîcheur et l’amertume. Bien hâte de goûter ces cuvées à venir. À La Péquélette, on va passer de 2 à 12% de vin blanc. À suivre!

La biodynamie prend son sens

La biodynamie est au cœur de toutes les activités du domaine. Cédric peut en parler longuement et avec passion. La pollution atmosphérique qui obstrue la communication des plantes avec le cosmos. Les clôtures végétales naturelles entourant les parcelles de vignes agissant telle la paroi d’un organisme vivant. La fabrication des préparations 500 et 501 avec l’impressionnante quantité de cornes enterrées et les pots de silice emmagasinant la lumière du soleil en bordure des fenêtres de la ferme. La préparation et la production de la bouse de Maria Thun. Aujourd’hui, une partie des activités de La Péquélette est de fabriquer et de commercialiser les préparations essentielles à la certification biodynamique. Il est le fournisseur d’un bon nombre de domaines partout en Europe et cette activité vient soutenir les millésimes plus difficiles comme 2022 où la grêle a fait des ravages.

Le temps fait bien les choses

Tous les raisins, sans exception, sont éraflés à la vendange. L’idée est de diminuer la dureté des jus en ne travaillant que le fruit. Après fermentation spontanée, les vins reposent deux ans en cuves avant d’être assemblés et mis en bouteille avec un léger sulfitage. Le temps fait bien les choses. Ce n’est pas que les vins sont trop puissants et qu’ils doivent s’affiner, mais selon le vigneron, ils ont tendance à se fermer en hiver et il ne veut pas les brusquer. Ils ont besoin de temps. 

C’est surprenant, mais il n’y a aucun fût, aucune barrique, ni aucun contenant en bois dans le chai. On y retrouve principalement des cuves de béton et des amphores que le vigneron aime de plus en plus. Il a l’impression que ça énergise les vins, les délie et leur donne de la vie.

Parmi les projets à venir, parce qu’il y en a pas mal, un agrandissement du chai avec une cave d’élevage et un investissement dans différents types d’amphores. 

La richesse, c’est la vie qui nous entoure

Lors de ma visite, en automne, on se serait sérieusement cru au printemps, en pleine floraison. La vie et l’éveil de la nature foisonnaient partout sur le domaine, un éveil inhabituel pour ce temps de l’année. L’été 2022 a été extrêmement sec et caniculaire. En réaction à la chaleur extrême, les vignes se mettent en état de dormance, au ralenti. À l’arrivée de l’automne et d’un temps plus clément, la vie a repris et tout a fleuri à nouveau. On retrouve même de longues tiges, nouvelles pousses sur les vignes. Inquiétant? Oui. Le cycle végétatif est chamboulé. Sans compter la grêle qu’il y a eu en fin d’été et qui a pris 50% de la récolte avec elle. Au maximum, le petit domaine arrive à produire annuellement 18 000 bouteilles de vin. En 2022, ce sera peut-être 10 000 si tout va bien. Et avec le sourire tendre dans l’œil, le vigneron est heureux d’avoir diversifié ses activités et de ne pas dépendre que de ses raisins. La richesse, c’est la vie. 

Et la vie c’est aussi la famille. Les deux fils de Cédric sont de plus en plus présents et impliqués au domaine. François est là à temps plein, à la cave, sur la terre et avec son talent artistique, il donne un nouveau visage aux vins avec des étiquettes renouvelées. Il prend également le temps de développer les commerces locaux qui devraient être les premiers ambassadeurs des vins de la maison depuis longtemps. Avec son frère Lucien, ils sont aussi à finaliser l’ouverture d’un bar à vin où ils pourront également mettre de l’avant les vins de la famille. La nouvelle génération est là. Cédric et sa femme Anne-Marie, qui elle s’occupe de tout l’aspect financier, ne sont pas peu fiers de leurs deux beaux et talentueux garçons. La richesse, c’est la famille.